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Ruissellements Δ

Ruissellements Δ
Le texte à pirater.
Le zine à brûler.

Mer d’huile ou bien de sang
plage de vide ou d’excréments
tout semble incandescent
— calanques
je ne regarde pas le paysage
non je suis le paysage
et le paysage est détruit
à l’attaque de l’écume
sauvages qui ont tant bu
qu’avalée jusqu’à la brume
je cherche un second souffle
dans la sueur qui coule de mon front
de guerre
et envahit mes yeux
de pierre
toujours au bord de l’évanouissement
à quoi ressemblerait une chose
qui contiendrait sa négation
ne se détruirait pas ?
une élégie optimiste
une utopie défaitiste
une épopée en temps de paix
tout semble incandescent
— calanques
j’ai du sang rouge
sur la plante de mes pieds
noirs
accumule les radiations
zèles citron
rougis au soleil
pour l’avenir des nuits
sans sommeil
au loin — non un peu en dessous
de mes yeux —
ce vert si profond
qu’il devient bleu
pierres sculptées par les éléments
temples votifs
ruines sublimes de rien du tout
pourtant foulées
heures de marche
pour cinq minutes de solitude
histoire de la modernité
et puis d’après
quantité d’efforts qui toujours s’accumulent
tout semble incandescent
— calanques
sans le comprendre
je répète ce mot
il est un talisman
caché dessous la langue
sèche
ici la terre est dure
et l’eau n’est pas potable
territoire de déesses
impassibles à la divination
leur désir exorbite
avant que de se jeter du haut de la falaise
viens chante vague
leur désir exorbite qui distingue
l’écueil de l’échec
mats les éclats de verre
les éclats de lumière
où nous aveugles
cherchons l’origine de notre ressentiment
guettons la faille
tout semble incandescent
— calanques
dans l’ombre ou bien l’écart
détroit passe et emporte sombre
le futur lucide de nos yeux
sel au bout d’un cil
ici plus que terre
sèche comme notre histoire
plantes basses qui poussent
malgré l’appel du vent
au levant plus doute aucun
rite emphatique de l’eau
plus claire que nos transports
tout semble incandescent
— calanques
ma langue est morte
je ne suis plus que feu
métamorphoses consumées
et brûlés les palais et brûlés les temples
des idoles jonchent le sol
que nous foulons aux pieds
il n’y a plus que flammes pour rédimer
nos culpabilités bleu folie
j’ai le regard vide
des millénaires qui me précédèrent
et dont je ne sais plus que faire
que faire ?
que devient l’idiome dont on n’a plus nul usage ?
idiot musée des formes mortes
où nos récits s’entassent
loin des oreilles des peuples indifférents
je pourrais parler cent ans encore
je pourrais parler jusqu’à la fin du temps
qui s’en apercevrait ?
je suis loin
à l’espèce défunte
pourtant ne m’arrive-t-il pas
moi aussi en de certaines occasion
de jouir encore
et puis de rire encore ?
un peu honteux certes de ne porter pas
en toutes circonstances
le deuil de ma parole
le deuil de mes origines
je n’ai plus de sang dans les veines
plus un souffle dans la poitrine
tout semble incandescent
— calanques
claque la langue
à l’alentour du détroit
j’ai des hosties versicolores plein la bouche
avec lesquelles de lutte grâce
je versifie les données
falsifie les rimes
et donne des preuves étonnées
aux rameurs de mes rêves
à l’or comme au soleil
une affaire de sainte rage vermeille
craque la peau sous les ans
rides sur la mer aride
désir d’insecte qui nous façonne
à l’ombre les arbres raisonnent
on s’abreuve de légendes lapidaires
au pays des invertébrés
quelqu’un croit découvrir un sens dans une roche
elle s’effrite et tout s’efface
j’ai des fourmis qui rampent
à même la peau de mes os
maigreur de l’air à la lumière
élégiaque un peu
ou en silence
rare missive bizarre
qui fait des drames de malentendus
un mot pour un autre
rivages confus sommes étourdies
de tous ces mystères
au grand jour
où suis-je pour mentir ?
mais est-ce bien moi qui interroge
ou l’idée que je me fais de l’acte
brave mais maladroit ?
éboulis à n’en plus finir
à en perdre la vue
ici qu’on crie pour s’entendre
pour se faire discret qu’on s’absente
aux regards de l’universelle inquisition
c’est le même cirque panoptique
moins de spectacle que de haine
à la chaîne œuvrent nos tristesses infinies
plaques sur la mer
ΗΕΛΙΟΣ est la somme de nos reflets
quand brûlent nos larmes
de choses sans distance
et notre fragile prose pour seule défense
rachitique le rempart
de nos habitats rampants
j’ai les pieds qui enflent et j’ai les pieds qui saignent
telle est la théorie de mes crampes
en ligne nos esprits s’éteignent
invention du peloton
amertume de plancton
exécution générale
un corps qui marche n’est pas perdu
(pas perdus)
même quand il se sauve
il fonde l’édifice de son salut
bâti de rien que du vent
de l’air entre les pierres entre la terre de l’air entre les choses
je goûte avec ma langue morte
ce souffle qui rend fou
ou gagne la fuite
nous partons parlons lézardes
petits animaux en déroute
anfractuosité de la retraite
toujours le sens du mouvement
j’entends la sensation
infime comme une aurore
perceptible à peine
c’est le corps qui émerge
ô notre mère des algues
déesse des vérités
étoile muette
dans la jungle humide des êtres
notre chair calcaire
millénaires aveugles
d’où est venue l’éclaircie
quelque vague se dissipe
comment vivions-nous alors
comment sinon confus ?
tout semble incandescent
— calanques
je tombai dans un trou
une faille
et là crevasse ou anfractuosité encore
dans cette toute relative humidité
passais un certain temps
à contempler les vivants
hommes ou bêtes
mâles et femelles
— toutes sont indifférentes
tous font l’indifférence —
des bruits d’ailes battant de désespoir
attirèrent mon attention
dans cette pénombre à demi
un oiseau était occupé
avec la patience la plus sublime au monde
à en tuer un autre pour le manger
oiseau de mer contre oiseau de terre
avant que d’assister à ce spectacle
on ne se doute pas
du temps qu’il faut
à une bête quelconque pour en achever une autre
si long que d’ailleurs
cet acte durant
une autre bête semblable
venue du ciel au-dessus de la mer
passa quelque temps là
assistant à la représentation
piaillant intermittent
pour dire dans ce langage que je ne compris pas
en restera-t-il seulement un peu pour moi ?
un petit bout ?
une becquée ?
et puis constatant qu’il n’y en aurait pas
partit pour d’autres cieux
d’autres bêtes à avaler
quand l’autre toujours affairée
s’acharnait pour enfin manger
qui n’en aurait fait de même ?
pensai-je dans mon espèce en retrait
qu’est-ce que l’amour
sinon cette chair qui nous pend au nez ?
plutôt que de fermer les yeux
je regardais cette bête qui en mangeait une autre
avec cette application si violente
que seule l’absence la plus parfaite de morale
peut expliquer
le pur mouvement
la vie
l’innocence
la faim
l’envie
le désir
quand ensuite on retrouve un os
au petit matin
trace toute nue de cette effusion passée
et passionnée
c’est que tout le sang fut absorbé
dévorés les corps
courant ultime de la vitalité
ultime c’est-à-dire sempiternel
comme le vent la terre
l’espace à l’avenant
acte comme preuve de l’infini
combien de temps demeurais-je là
tout au fond de mon trou ?
je ne saurais le dire
le temps qu’il faut sans doute pour faire
une expérience
se garder de la méfiance
se perdre dans la chair des autres
des bêtes du roc du monde
se laisser engloutir par la grande bouche
la fin de la mer se confond toujours avec la fin de la terre
et l’histoire des êtres
dont je ne sais plus que faire
tout semble incandescent
— calanques
mégalithes d’ossements
d’errance
de science muette
raide comme nature
instinct
increvable navigateur
quand même à l’arrêt
j’entends encore les coups de bec
voraces et méthodiques
croyance spontanée en la nécessité
qui s’en écarte court à sa perte
ignore le drame et l’ignorant
le perpétue
c’est la vie même qui tue
et la nescience où nous sommes
depuis notre naissance
égarés dans nos élévations abstraites
d’où jamais rien ne retombe
que les tombes toutes prêtes
pour des peuples d’êtres
destinés à l’ennui destinés à l’oubli destinés à eux-mêmes
oh comme tout semble incandescent
— calanques
qu’est-ce que l’amour
sinon le retour sur terre ?
qu’est-ce que l’amour
sinon ce lien acéré ?
la jouissance a la couleur de la mort
regarde-la
écarlate et fascinante
elle ne laisse pas de traînées
une fois passée
se propage par giclées
explosions et vérités
hémoglobine et stupre
et la douleur de l’un n’est que
l’image dans le miroir
de la puissance de l’autre
qu’est-ce que l’amour
sinon cette force absurde ?
à laquelle nous autres
cosmonautes spectateurs
sommes sommés de croire
images à la surface de nos rétines
au fond de l’anfractuosité toujours
sur l’écran
diffusion de sang
tout semble incandescent
— calanques
brûle mes pleurs
iode
j’ai l’os tendu vers les sommets
les hauteurs
mille ardeurs au labeur
du bout de mon isthme
je crève la stratosphère
pas besoin de navette
tu sais
pour voler
tapis d’étoiles sans goutte de pluie
je fais des rêves sans dormir
visite la sainte étendue
des vagues
une île n’est pas un corps perdu
elle ne connaît pas le repos
émerge sans cesse
dans le flux
physique des flots
mets ta parole en doute
en joue de l’écoute
arrache-moi oh arrache-moi
à la terre perdue
la terre malsaine d’où je proviens
arrache-moi à la cité
la police des sens partout veille sur moi
éloigne-moi
ignore-moi de la nature
et des règnes en illusion
dont nous ne serons jamais revenus
la roche est le dédale
où se perdent nos songes binaires
et tout rêve d’y échapper
quelque part au-delà de l’un et du multiple
des calculs dont nos méthodes sont pleines
bien au-delà de l’être calculant
et de ses machinations basiques
natura denaturata natura denaturans
puisque tel est le cirque
où résonne l’abolition du sens
écho des vérités à venir qu’on extirpe aux forceps
de nos certitudes perdues
mais pourquoi
la parole de demain vaudrait-elle mieux que celle d’hier ?
tout est incandescent
— calanques
pas de refuge ni de passage
quand je mets un pied devant l’autre c’est déjà loin
loin des arts maladifs
aux bataillons de haineurs les yeux rivés sur le bien
consacrés
temples pour les peuples de peu de foi
dans ma demeure aérienne
j’ai léché les parois du labyrinthe
pour y trouver mon chemin
telle fut mon ardeur pariétale
au premier signe tracé
à la marque laissée
sur la face du mur invisible
à la face du monde déjà-vu
toutes nos histoires prêtes-à-porter
j’ai tiré un trait dessus
je fus l’insecte
qui se mit à chanter
aux premières chaleurs
j’ai encore la trace des bêtes sur le corps
des morsures de morts
des déserts au fond des yeux
quelque chose qui s’injecte
quelque chose qui s’infecte
au coin du supplice
quand l’air sec aura fini de dissoudre
l’éternité de nos préjugés
ici tout va si vite
les faces blêmes bronzent
et il s’en trouve encore
pour objecter aux rayons du soleil
passion abjecte de l’unicité
il y a tant de vérités
qu’il faut se satisfaire de dire vrai
que faire ? qu’admettre ?
l’absence de preuves de l’existence des cieux ?
il n’y eut jamais de silence
mais souffle mais souffle mais souffle
le vent s’est engouffré sous les plis de ma peau
le sexe maritime
droit à la cime qui la touche
qui l’enfourche
passe le col
dépasse les profondeurs
l’aurore agite les atomes
nous ne sommes rien
que déviations bizarres
tout doit être laissé au hasard
tout est incessant
— calanques
je chanterai
: adieu.