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Ruissellements Β

Ruissellements Β
Le texte à pirater.
Le zine à brûler.

Nulle épiphanie
ici
tombées dans le cosmos zéro
les ombres
(pas plus que leurs corps)
n’ont épaisseur
ce ne sont rien que bouffées qui ânonnent
en chœur la théorie des mêmes greffés
avec ou sans accent
à la chair de l’inconscience
ici
jamais rien ne se révèle
aucun souffle
pas même du bout des lèvres
que baiser de viande molle
à l’incarnat flétri
un défaut de la langue
en nos incarnations vieillies
l’émission d’un message —
qu’est-ce qu’il a dit déjà ?
— espoir nul de rémission
ici et puis là-contre
sur le rivage
un sentiment plus vague
brisé c’est-à-dire
à l’image incertaine
de ce bleu dilué par instants
nuance égée
usage manifeste
de nos antiques plongées
liens entre la profondeur et l’attitude
la rougeur de l’altitude
même le léger coule
me dis-je
s’enfonce et se perpétue
un maître quelconque gueule
quelque chose à son chien
tape sur le front
de mer ou bien de guerre
comment vivre la vie
sans le pouvoir
rien que la puissance ?
les questions sont des suspens
jamais des points
failles dans la logorrhée qui est
lui l’homme s’est tu depuis
pas la mer
couleur de sel
d’algues
et d’ailes lointaines
quand obèse
la femme quelconque prend le relais
et les chiens en photographie
comme dans une illisible grammaire
où l’univers viendrait s’écrire
dans le vide des phrases
album de famille insensé
à tour de rôle à présent
ils posent avec les animaux
un de chaque côté
(à droite les garçons
à gauche les filles
nuance élée)

entre mes mains
pour ce qu’il en est de moi
je cherche que faire
de mon sentiment grec
nimbé dans le brouillard
de cette indifférence toujours plus épaisse
et au sens opaque
les chiens aboient
la femme marche avec difficulté
dans le chenil de l’univers souviens-toi de ceci :
toujours quelque chose te sera enlevé
une part de monde ou bien d’honneur
un pan de ciel
et c’est à toi que tient
de toi qu’il dépend
de condamner l’avenir
ou d’absoudre le destin
cependant que le vent innocent
lui
ne faiblit pas
regarde
notre commune condition
demeures plates de l’ancienne physique
ici passent les ombres
une à une
et le regard se perd de les chercher
depuis mon poste d’observation
je suis oreille archipel art du principe
guetteur d’esprits
que dit-il le cerveau ?
demande soudain l’enfant
liquide nymphe
à l’endroit où s’originent nos récits
mythes et blasphèmes
moins pour couper le courant
et l’éteindre pour toujours
que pour en connaître le flux
et elle dit
de sa voix haute
je ne suis pas une dépendance
pas une province de la violence
je ne suis pas captive
je peux parcourir les plaines involontaires de l’acte
en finir avec le drame
m’en faire le terme jeune
et elle voudrait le crier
plus fort
mais quelqu’un entend-il encore quelque chose ?
et quelqu’un comprend-il encore quelque chose ?
chut (c’est moi qui l’ajoute)
ne dis pas un mot
des escarres sur la peau lisse de l’Occident
cette surface triste de qui tourne le dos
à l’océan
que faire de mes prophéties muettes ?
hygiène du hasard
parfois je trace des signes
pour qu’ils prennent forme
m’enseignent quelque savoir
qui ne m’appartient pas
ne provient pas de moi
invente des dialectes
qui ne se prononcent pas
machine des luttes
fomente des complots
qui échouent d’avance
moi l’inventeur des combats perdus
je dis qu’il n’y a pas de gloire dans la chute
un râle tout au plus
peut-être et pourtant
le reste
— c’est-à-dire l’univers —
le reste
s’entête dans l’éloge grégaire
de notre immonde condition
nous en informent les sens
n’est-ce pas ?
histoire informe de toute atmosphère
présence
ou autres volutes inverses
volumes et parfums en suspens
formes donc
et puis couleurs que j’énumère les yeux rivés sur le vague
bleu jaune
blanc transparent
bleu tirant sur le mauve
jaune tirant sur la couleur de l’écume
vagues mousses qui lèchent douces les pierres
digue le sable
un peu plus orange
pâle ou un peu moins
couleur d’agrumes au soleil d’hiver
lumière chaude même quand il fait froid
une qualité d’exposition sans pareille
air léger qui se traverse sans effort
nulle épaisseur entre les êtres
semble-t-il
sur le bourdon juste du paysage
roulement roulis sourd
chant plastique gamme
avec chaque crépuscule
les mirages disparaissent
derrière les biens immeubles
barres de béton qu’on dirait l’horizon
il n’y a plus de nom
tout ce qui se dit s’épuise
ici
dans le bitume des odeurs confuses
sur la terre couverte
recouverte la roche exaspérée
que d’arts se sont perdus
je ne suis pas le lieu de la déploration
le monde est sous verrou
plaques dalles colmatent nos comas
semblables à l’infini
énième adieu à l’antique
sans même un combat
tout passe
et la couleur aussi
murs gris cassés passés maintes fois ravalés
derrière le monde continue de couler
mais tout est aveuglé
éclaircies reflétées à la surface du verre
ou bien de la mer
éclats ophtalmiques
pas d’autre chance que migraine
échappée
les volets clos
s’enfermer
et disparaître dans le sommeil
qu’inspirent les sens
et puis quoi encore ?
effluves que science
à la reprise
d’aucuns diraient manière de résurrection
seins en tête
et à la bouche
quand la bouche elle
hèle râle
autrement qu’à l’envers
et fabrique les essences
de nos parfums de personne
orient de l’ailleurs
où dit-on les corps ont toute leur part
ainsi s’inventent nos légendes
mythes et blasphèmes
sur les souvenirs qui planent
aux alentours des choses
mais sans les toucher jamais
apprends à expirer
me dis-je
injonction à quelque songe indistinct encore
apprends
mieux que la muse
apeurée
tous sens en suspens
respiration en alerte
bronches de l’alternative
qui halètent
la mer bleue le ciel bleu tout
et tes cheveux châtains
tirant sur le blond
bien longtemps encore après la fin de l’été
comme des fleurs desséchées qui embaument
un massif jaune
la même antique histoire
de l’être
où tout devient
et reste agréable l’odeur
au creux du poignet
du cou
des cuisses
figue ou pamplemousse
citron ou mandarine
raisin ou bien destin
pas de point ni de note finale
raison j’ajoute
car toutes les fesses le savent
que ne nous sommes-nous
attachés
qu’aux apparences trop sages
nous qui errons là
entre espoirs trop minces trop
déçus certes mais séchés surtout
et en lesquels plus personne ne veut croire
surtout
pas même nous
qui est l’idole ?
sauf nous
qui traversons la route
saluons le présent
à quoi bon connaître son nom ?
quand même nous le saurions
nous ne serions jamais
que papillons euphoriques
éparpillés hélas
poissons narcissiques
mécaniques passions
dis-moi toi comment tu t’appelles
pour que je puisse moi
enfin
exister
et il y aura encore
me dis-je
des moments de latence
la distance
l’écart entre les corps
Icare entre les êtres
alors que dire ?
si tu crois encore atteindre au but
reviens
à quoi te sert-il de partir ?
si tu sais qu’ici ou nulle part
c’est idem
quelque lieu partout le même
uniforme je regarde mes pieds
quand était-ce
la fin de l’été ?
j’estime
espace
trace les cimes du bout des doigts
du bout des lèvres
fais un plus un égale trois
sans rien ajouter
surtout pas d’étant
rien n’est donné
tout se donne
on saute dedans à cloche-pied
parvis des mondes désertés
et dedans ruine
pourtant
commentent-ils
pourtant les cloches
on les fait sonner
qui a jamais prétendu qu’il était aisé
de comprendre ?
je regarde l’époque
qui fait cloque
elle devrait éclater mais enfle
gonflent les proportions indignes de son nom
tu sais
lui avais-je avoué un soir
tu sais
moi non plus je ne crois plus en rien
alors à quoi bon continuer ?
m’avait-elle demandé
d’un air rassuré
précisément pour cette raison
que nul ne le sait
encore une saison à chercher
quelque chose qui dit
que ce n’est pas fini
après quoi je m’en irai
et puis donc
science qu’effluves
où le monde s’évapore
célestes fumées
qui aveuglent nos yeux cillés
bleu caché dans le gris
feu qui allume nos vies
je récite ma cosmogonie insane
et demande pardon
à tous
aux fanatiques aux illuminés
aux terroristes aux assassins
aux menteurs et aux saints
pardon pour les désastres planifiés
les éruptions fictives
de nos âmes factices
abattues par leurs balles réelles
pardon pour les âmes perdues
les causes perdues
nos corps perdus
à leurs trahisons sacrifiés
pardon pour les cœurs en jachère
notre mère la misère
et les hymnes des fous
déclamés sous leurs électrochocs
pardon pour les cages
où nous demeurons entassés
suçant des amours blafardes
à l’ombre de leur tragédie
pardon pour les clameurs
cantiques des otages
fabrique du secret
réduit où nous sommes cloîtrés
pardon sans pardon
que déraison
n’est-ce pas elle
mémorable
l’histoire de tout repentir ?
faire le tour de toutes choses
et s’admirer vieilli
sur le pas d’une porte
Pénélope file
à la vitesse de la lumière
à la vitesse de la pensée
l’étoffe cinglante
d’une si sanglante défaite
qu’on dirait jour de fête
les héros ne sont pas morts
ce n’est pas vrai
ils ont vendu leur épopée
bradé leurs divinités
c’est eux qu’on voit
sur la scène aveuglante
où ils se donnent à admirer
et comme tout se consume
dans une infinie bêtise
traîtrise sans complexe
quand la langue pendouille
elle est prête à lécher
sexes mortifères
que restera-t-il de nous
nous qui fûmes choses perplexes
quoi sinon vestiges cruels
exhibant nos ruines
dans le foyer des vivants ?
n’est-il pas pour nous
ce saint sang
que nous lapons
telles bêtes sans nom ?
or que demeure
sinon l’absence ?
et nous
plongeurs antiques
en nos mythiques piscines
ne cherchons pas la source
tarie
en réponse tardive
je dis à l’enfant :
de cette Méditerranée
ne retiens pas l’accent
mais la lumière
et à part moi j’ajoute :
est-ce que je crois
en la voix pure
ou est-ce que je mens ?
au bout de mes doigts
à de fragiles oiseaux
au soleil posés
sur les rochers
j’adresse ma prière :
ô mes frères inhumains
ce monde où nous sommes
tombés
serais-je prêt à lui dire
oui
en tout
ou en parts légères
et comme découpées
par vos paroles ailées ?
la maîtrise est une traîtrise
ô mes frères plumés
tout ceci qu’en faire ?
sinon l’appeler
chants.